samedi 5 avril 2008

Paroles de drépanocytaires

Ce samedi 5 avril 2008, nous nous sommes retrouvés pour un 3e groupe de parole. Comme les rencontres précédentes du 27 octobre et du 5 novembre dernier, celle-ci s'est tenue à l'hôpital Saint-Vincent à Lille. Merci beaucoup à Sandra Dejter, psychologue dans le service d'hématologie, qui a accepté d'animer la séance.

Ce groupe de parole a rassemblé 8 personnes, malades, parents ou conjoints de malades. Toutes témoignent, s'il en était encore besoin, du besoin de s'exprimer et d'être écouté que ressentent les drépanocytaires et leurs proches.

Pour les jeunes adultes qui vivent encore chez les parents, le départ du "cocon" familial est un sujet de préoccupations inévitables. Comment fera-t-on, seul(e) dans son studio, pour gérer les crises qui surviendront en pleine nuit ? Les mères, généralement, anticipent le moment de cet envol. Les pères bien souvent restent silencieux, ils préfèrent protéger leur grand enfant aussi longtemps que possible.

Dans les fratries, la place faite à l'enfant drépanocytaire est variable. Ici, aucune corvée ne lui est épargnée, les parents souhaitent qu'il soit un enfant comme les autres. Là, il est l'objet de toutes les attentions de la part de ses parents, et cette position privilégiée n'est pas toujours facile à tenir face aux petites jalousies bien compréhensibles des frères et soeurs.

Quand on est enfant, on accepte d'autant plus difficilement de ne pas pouvoir faire les mêmes choses que les autres : aller à la piscine, faire du sport. On aimerait être comme tout le monde, ne pas avoir à subir les moqueries quand on est le dernier à la course. On n'accepte pas les limites fixées par les parents, même lorsqu'ils expliquent que tout ceci c'est pour éviter des crises vaso-occlusives...

A l'école ou au collège, on doit aussi faire face à l'incompréhension des adultes : la maîtresse n'autorise pas l'enfant à rester au chaud dans la classe pendant la récré. Le professeur d'EPS embarque l'enfant dispensé à la piscine et le laisse assis au bord du bassin : la frustration est d'autant plus grande, et le trajet à pied dans le froid n'arrange rien !

Dans la communauté noire, la drépanocytose, même en Europe, est encore perçue comme une malédiction, une maladie honteuse comme le SIDA. "Mwana SS" (enfant SS), entend-on en lingala. Des personnes qui pourtant étaient proches se déchirent suite à des médisances, des préjugés. Comme la maladie est peu visible, certains pensent que les malades et leurs parents veulent la cacher.

Une maladie peu visible : c'est bien cela aussi qui n'arrange pas le quotidien des drépanocytaires. Comment faire comprendre et accepter aux autres qu'on souffre, qu'on ne peut pas vivre comme tout le monde alors que rien ne leur permet de le deviner ?

Invisible, La maladie est donc peu spectaculaire. Pour cette raison, elle intéresse peu les media. Mais aussi parce que, malgré le soutien récent de Lilan Thuram, elle est occultée par des causes plus médiatiques : la mucoviscidose et Grégory Lemarchal, les myopathies et le Téléthon. Et parce qu'elle est attachée à une seule communauté, la communauté noire, et certainement aussi car les blancs pensent à tort que la solidarité légendaire qu'ils attribuent à cette communauté compense les difficultés à elle seule.

A l'âge adulte, des questions éthiques surgissent : Peut-on se marier, avoir des enfants sans s'assurer que son partenaire n'est pas porteur de la maladie ? Et quand malgré cela on s'aime, faut-il faire le choix de ne pas avoir d'enfants, de faire un dépistage anténatal ?

Bien des questions restent sans réponse au terme de ces deux heures et demi de discussion. Mais ce qui compte, c'est de voir les autres s'en sortir, avoir réussi à faire des études, travailler, fonder une famille ! Ces échanges nous ont aussi donné des idées pour de prochaines actions : Pourquoi ne pas organiser une sortie dans une piscine chauffée, entre parents et enfants, malades ou non ? Et si on organisait une conférence-débat sur les questions éthiques : le mariage, la maternité ? Et que diriez-vous d'une soirée-repas pour terminer l'année scolaire ensemble ? A la rentrée prochaine, l'association pense aussi accompagner les parents dans leur démarches envers l'école, pour expliquer aux enseignants les précautions à prendre. Si vous connaissez des familles qui ont des enfants malades, n'hésitez pas à nous contacter. Et si vous avez d'autres idées, elles seront toutes les bienvenues !